A l i c e ●● « i know you love me »

Dans un couloir éclairé, mais long, sinueux et presque vide, on entend très souvent des bruits de pas. Tout d'abord, ceux platoniques d'un homme âge qui occupe ses journées à se promener dans sa demeure, puis ceux plus agités d'une femme, qui cherche sans cesse où on pu passer ses deux petites têtes blondes. Moins bruyants amis tout aussi vifs, ceux d'un homme qui aide activement sa femme dans sa recherche. Les autres rapides également, mais plus distingués, sont ceux de la vielle femme qui cherche sans chercher. Et entre ceux là, deux paires très rapides, très malicieuses, et surtout très discrètes. Vous êtes en France, non loin du beau pays de Normandie, dans un large domaine bien caché aux yeux de tous : celui des Lanonyère, riche et ancienne famille, très connus également pour porter le titre de Marquis et Marquises. S'en était de même pour moi. Qui je suis ? Je suis l'une de ses paires de pas silencieux, rapide, et que tout le monde recherche activement.

Je suis née dans cette famille au plein cœur de l'été. Au mois d'Aout, le dix-huit très exactement. On s'en fout un peu, mais je vous le dit quand même. Je suis née dans cette même maison, pour ne pas dire palais, où je vis actuellement, et je n'ai pas arpenté autre chose que ces murs depuis les six dernières années. Mes premiers souvenirs remontent à mes six ou sept ans. Je me revois sans difficultés dans ma robe blanche, traînant ma cadette par la main parmi les dédales du manoir de la famille de maman. La plupart du temps, nous fuyons mon père, pour jouer. L'autre moitié du temps, nous fuyons notre grand-mère. Et là, ce n'était pas un jeu. Très attaché au rang de notre famille, ma grand-mère se donner corps et âme à notre éducation. Grand-père, plus passif, lui nous accompagner la plupart du temps en forêt ou pour toute autre activité extérieure. Notre mère n'osait pas s'opposer à sa propre mère. Elle se contentait généralement d'un sourire crispé, et de mots doux le soir. Pas que notre père soit pour, mais il laissait faire, gardant tout de même sur nous un œil bienveillant. Comme ce jour. J'étais dans ce même couloir, sans ma sœur pour une fois. Elle était malade je crois. A nouveau, je courais dans l'un des nombreux couloirs, aimant le bruit que faisait mes nouvelles chaussures blanches sur le sol. Ma grand-même m'arrêta un peu par hasard, puisque je lui rentrais moi-même dans les jambes. Que voulez-vous, je regardais mes chaussures, je ne pouvais pas regarder devant moi en même temps. Et comme d'habitude, je tombais toujours sur la mauvaise personne.

GRAND-MERE ▬ « Catherine, ne courez pas, ou au moins regardez devant vous. »
ALICE ▬ « Pardon grand-mère. Mais tu as vu mes chaussures comme elles courent vite ? »
GRAND-MERE ▬ « Il faut dire 'vous' ma chérie, et que viens-je de vous dire ? »
ALICE ▬ « De ne pas courir ? »
GRAND-MERE ▬ « Et qu'avez-vous fait à l'instant ? »
ALICE ▬ « J'ai ... heu ... j'ai marché vite ! »

Ma grand-mère a levé les yeux au ciel, et elle est partie en disant que j'étais bien la digne fille de mon père, aucun doute possible. Ah oui, petite information, je ne m'appelle pas Alice. Mais je n'aime pas mon prénom. Ma grand-mère et ses lubies. Là encore mes parents ont cédé. Les malheureux, il n'aurait pas dû. Douze prénoms. J'ai été baptisée sous le nom de Catherine Myriam Stéphanie Léa Agathe Louise Alice Jeanne Blanche Elvire Aliénor Anne, Marquise de Beaufort. Comme je n'aime pas mon prénom d'usage, je piochai parmi les onze autres un qui me plaisait. Ma sœur l'habitude de m'appeler Alice maintenant, même si je la soupçonne de m'appeler Catherine quelquefois pour m'embêter et non pas parce qu'elle a oublié. Mon père préfère aussi Alice, même si le petit surnom affectueux qu'il me donne est 'mon crapaud', juste parce que j'appelle ma sœur 'ma grenouille'. Ça le fait rire je crois, de me voir avec une mine boudeuse sur le visage. Du coup 'Catherine', 'Alice', 'crapaud' ou 'qui a encore fait ça ?!?', c'est moi.

Ma grand-mère partie, je reprenais mon excursion du couloir à l'aide de mes supers nouvelles chaussures hyper rapides. Là encore, ignorant la dernière leçon de ma grand-mère, je ne regardais pas devant moi. Ce que j'ai pris dans la tête cette fois, ce ne fut pas un mur, ce fut la hanche de mon père. Avant que je ne le tombe, il me rattrapa dans ses bras, ce large sourire que je lui connaissais si bien, trônant fièrement sur son visage.

SIRIUS ▬ « Eh bien crapaud, et la grand-mère si elle te voyait faire ? »
ALICE ▬ « Elle m'a déjà vu. »
SIRIUS ▬ « Ah ... et elle t'a dit de ne pas courir ? »

J'ai acquiescé.

SIRIUS ▬ « Et tu lui a répondu ? »
ALICE ▬ « Que je marchai vite. »
SIRIUS ▬ « Ça c'est bien ma fille. »

Il me serra dans ses bras et embrassa mes cheveux. J'aimais et j'aime toujours énormément mon père. Il est l'homme de ma vie, ou du moins ce qui se rapproche le plus. J'ai longuement été jalouse de la naissance de ma soeur. Je le suis encore aujourd'hui d'ailleurs, c'est pourquoi ces moments privilégiés que j'ai avec mon père, je les aime plus que tout. Toujours dans ses bras, nous sommes allés au jardin où ma grand-mère prenait le thé avec ma mère et mon grand-père. Mon père me posa sur les genoux de ma mère, et il s'installa.

GRAND-MERE ▬ « Eh bien mon gendre, Catherine va avoir sept ans, il suffit de lui céder ses caprices. Il faut lui apprendre à marcher avec grâce et prestance. »
SIRIUS ▬ « Comme vous dites belle maman, Catherine n'a que sept ans. Laisser la grandir normalement, elle aura tout le temps d'apprendre de vous plus tard. »
GRAND-MERE ▬ « Si nous n'enseignons pas le minimum à cette enfant maintenant, sa sœur suivra son exemple. Il est bien plus facile d'enseigner les bonnes manières à une jeune enfant. Dites-lui Julia. »
JULIA ▬ « ... »

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Adolescence

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